Publié dans France-Soir, 28 février 2023
Il y a soixante ans, le sociologue américain Charles Wright Mills notait : « derrière l’augmentation du budget militaire se dissimule la grande évolution structurale du capitalisme américain moderne vers une économie de guerre permanente… La prospérité immédiate de notre pays est liée à une économie de guerre. » (1)
Dans son discours de fin de mandat, en 1961, le Président – et général – Eisenhower mettait ensuite les États-Unis en garde : « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le potentiel pour la montée désastreuse d’un pouvoir abusif existe et persistera. »
En 1989, la fin de la Guerre froide met en péril l’économie de guerre américaine. Puis l’attaque du 11 Septembre 2001 permet de lancer une nouvelle « guerre au terrorisme », dont Donald Rumsfeld, ministre de la Défense, annonce qu’elle n’aura « pas de point final ». (2)
Tout de suite après, un épisode prépare la transition entre Guerre à la Terreur et la Guerre aux virus, ce que j’appelle l’arnaque à l’anthrax. Il aura permis de faire passer « le budget de la biodéfense américain de $137 millions en 1997 à $14,5 milliards pour 2001-2004 » (3) et est à l’origine du complexe de la biodéfense.
Rappelons le scénario de cette mise en scène :
Le Patriot Act (Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism), texte législatif de 342 pages sorti des tiroirs de la Maison Blanche immédiatement après le 11 Septembre, réduit certaines libertés fondamentales, et renforce le pouvoir des agences de renseignement.
Le procureur général John Ashcroft insiste alors pour que le Congrès vote ce texte dans les trois jours, sans quoi celui-ci pourrait être tenu pour responsable de toute nouvelle attaque terroriste. Qui aurait osé faire un pas de côté dans ces circonstances ?
Surtout après que deux sénateurs – qui auraient initialement remis la procédure en question (4) – furent encouragés par les courriers piégés à l’anthrax qu’ils reçurent et qui contaminèrent trente et une personnes au Congrès.
C’est ainsi que les microbes sont devenus des instruments de terreur, dont il convenait à la fois d’anticiper et d’amplifier les risques, au profit du budget de la sécurité et de l’industrie pharmaceutique.
D’après l’avocat américain Robert Kennedy Jr., dix ans plus tard, « la guerre aux microbes éclipsait déjà la ‘Guerre contre le terrorisme islamique’ en tant que moteur privilégié du cartel de l’État sécuritaire » (5). Depuis, la terreur covidique a de nouveau été remplacée, par la guerre en Ukraine, comme instrument de peur. Pour combien de temps ?
(1) C. Wright Mills, L’Élite du pouvoir, 1956
(2) « Les préjugés de Donald Rumsfeld mis en lumière par ses notes de service », Le Monde.fr, 1/11/2007
(3) Robert F. Kennedy Jr. “Anthony Fauci, Bill Gates, Big Pharma : leur guerre mondiale contre la démocratie et la santé publique” (Éd. Résurgence, 2022)
(5) Robert F. Kennedy Jr., ibid.
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