Dans un texte intitulé “Le désir, la vérité et la connaissance: la volonté de savoir et la volonté de vérité chez Foucault” (2014), Jacques Bouveresse met en évidence l’entourloupe par laquelle Foucault a prétendu démolir la notion de vérité.
Texte de Bouveresse :
Peut-on imaginer ou penser une connaissance qui serait à nouveau une connaissance sans vérité ? Peut-on raconter l’histoire de la vérité – la fable de la vérité ?
Autrement dit, il s’agirait [pour Foucault] de savoir si la volonté de vérité n’est pas aussi profondément historique que n’importe quel autre système d’exclusion ; si elle n’est pas arbitraire comme eux en sa racine ; si elle n’est pas modifiable comme eux au cours de l’histoire. Il s’agit en somme de savoir quelles luttes réelles et quels rapports de domination sont engagés dans la volonté de vérité.
Dans le texte de sa Leçon inaugurale [au Collège de France], après avoir mentionné deux exemples caractéristiques de procédures d’exclusion – l’interdit et la distinction de la raison et de la folie -, Foucault exprime le scrupule suivant:
« Il est peut-être hasardeux de considérer l’opposition du vrai et du faux comme un troisième système d’exclusion, à côté de ceux dont je viens de parler.
Comment pourrait-on raisonnablement comparer la contrainte de la vérité avec des partages comme ceux-là, des partages qui sont arbitraires au départ ou qui du moins s’organisent autour de contingences historiques ; qui sont non seulement modifiables mais en perpétuel déplacement ; qui sont supportés par tout un système d’institutions qui les imposent et les reconduisent ; qui ne s’exercent pas enfin sans contrainte, ni une part au moins de violence.
Certes, si on se place au niveau d’une proposition, à l’intérieur d’un discours, le partage entre le vrai et le faux n’est ni arbitraire, ni modifiable, ni institutionnel, ni violent.
Mais si on se place à une autre échelle, si on pose la question de savoir quelle a été, quelle est constamment, à travers nos discours, cette volonté de vérité qui a traversé tant de siècles de notre histoire, ou quelle est, dans sa forme très générale, le type de partage qui régit notre volonté de savoir, alors c’est peut-être quelque chose comme un système d’exclusion (système historique, modifiable, institutionnellement contraignant) qu’on voit se dessiner. »
[Commentaire personnel : Foucault reconnaît que la vérité n’est pas arbitraire, mais “la volonté de vérité” le serait. Pour soutenir ce paradoxe il prétend s’appuyer sur Nietzsche, comme sur une autorité tutélaire (assurant sa protection); en réalité c’est une duperie.]
Foucault prétend de manière obscure que “grâce à Nietzsche le lien originaire de la connaissance et de la vérité est dénoué puisque la vérité n’est en elle qu’un effet – et l’effet d’une falsification qui se nomme opposition du vrai et du faux”.
[Bouveresse conclut] On ne voit pas très bien ce qui peut autoriser à parler de «falsification » sans présupposer d’une manière ou d’une autre l’opposition du vrai et du faux que l’on entendait démasquer justement comme une falsification.
[Foucault aboutit donc à une contradiction logique où la vérité existe et n’existe pas. La distinction qu’il établit entre “vérité” (vraie) et “volonté de vérité” (illusoire) est spécieuse. Si le vrai n'existe pas, le faux non plus. De plus, il s’appuie à tort sur Nietzsche, qui a une vision logique (conforme au principe de contradiction) et une haute estime pour la vérité, exprimée notamment dans le texte suivant.]
« Quelle quantité de vérité un esprit supporte-t-il, quelle quantité de vérité un esprit ose-t-il ? c’est devenu pour moi toujours davantage la véritable mesure de la valeur […] on n’a toujours interdit jusqu’à présent principiellement que la vérité. »
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